LA SARTHE, CE DÉPARTEMENT MÉCONNU

Il existe, à mi-chemin de Paris et de la Bretagne, un département fort méconnu : celui de la Sarthe.

Combien de Parisiens l'ont traversé sans s'y arrêter pour se rendre sur les plages de l'Atlantique ?

Moi-même n'ai pas échappé à la règle, jusqu'au jour où des amis, que les hasards de la vie avaient conduits à s'y installer, me firent découvrir cette belle contrée, si accueillante et si riche en vestiges d'un passé prestigieux.

Je voudrais essayer de vous faire partager mon enthousiasme pour ce petit coin de France qui, pour reprendre un slogan aussi touristique que lapidaire " mérite mieux que 24 heures".

Comme tous ses congénères, le département de la Sarthe naquit au lendemain de la Révolution.

D'abord appelé département du Mans, il comprenait - et comprend toujours - la partie orientale du Maine, ou Haut-Maine, augmentée de la région angevine de la Flèche.

Il est cerné, au nord, par le département de l'Orne, à l'est par ceux de l'Eure et Loir et du Loir et Cher, au sud par le Maine et Loire et L'Indre et Loire, à l'Ouest par la Mayenne.

Plus simplement, on peut dire que cette ancienne province du Maine est encerclée par l'Anjou, le Perche, la Normandie et le Val de Loire.

Elle est arrosée par deux belles rivières, fort différentes par leur aspect. Le Loir et, bien sûr, la Sarthe, qui vont toutes deux rejoindre la Mayenne, au nord d'Angers, pour former la Maine.

L'espace Sarthois appartient à trois formations géologiques, ce qui explique sa merveilleuse et attachante diversité. Au nord vient mourir le massif granitique breton en une suite d'escarpements que les sarthois appellent abusivement les "Alpes Mancelles". Il est vrai que le mont des Avaloirs, tout proche, bien que situé dans l'Orne, culmine, avec ses 417 m, tout l'Ouest de la France. Si vous me promettez de ne pas le répéter, je vous avouerai avoir modifié cette altitude de quelques millimètres en heurtant malencontreusement la borne indicatrice au cours d'une marche arrière intempestive. Mais ceci remonte à plus de 20 ans et il y a sûrement prescription !

Le paysage sarthois est rarement plat, mais essentiellement constitué de collines boisées et de plaines ondulantes qui rappellent le Perche, tout proche.

On y trouve de magnifiques massifs forestiers parmi lesquels je me bornerai à citer :

- à l'Ouest, près de SILLE LE GUILLANME, le massif des Coëvrons qui, en langue celte, signifie : "mamelles boisées".

- au Nord, la forêt de Perseigne, plantée de chênes et de hêtres centenaires.

- et, au Sud, la forêt de Bercé, qui s'étend sur 5 000 hectares et abrite les chênes les plus côtés de France à la bourse du bois d'oeuvre.

Les verts pâturages alternent avec les cultures céréalières : blé, maïs, colza, tournesol, qui ont remplacé les cultures chanvrières d'autrefois.

L'élevage demeure très présent, essentiellement axé sur les bovins, les porcins - qui fournissent la matière première des fameuses rillettes du Mans - et, plus récemment, les poulets de Loué.

Il subsiste également quelques rares élevages de chevaux, dont un que je connais bien, qui a encore obtenu récemment le 2e prix au concours agricole national.

Coincée entre la Normandie et le Val de Loire, la Sarthe bénéficie d'un climat intermédiaire qui rappelle la douceur angevine et est propice au développement des vergers. Le pommier y est roi, que ce soit pour produire le cidre, très apprécié des autochtones, ou pour donner la reinette du Mans, petite pomme jaune délicieuse, malheureusement détrônée aujourd'hui par la golden, d'aspect plus flatteur mais de plus en plus insipide.

Parallèlement, l'industrie agro-alimentaire s'est beaucoup développée au cours des dernières décennies et, sans vouloir faire de publicité, les noms de YOPLAIT, BEL, et BESNIER évoquent sans doute dans votre esprit un certain nombre de produits laitiers.

Si l'artisanat a décliné, notamment depuis un siècle, il demeure encore très actif. Il faut savoir que la Sarthe fut longtemps le premier pourvoyeur mondial de produits à base de chanvre tels les toiles et cordages pour la marine. Sans doute, les cordiers et tisserands de chanvre, de lin et d'étamines, qui étaient légion avant la Révolution, et étaient encore nombreux au 19e siècle, ont-ils pratiquement disparu, de même que les bateliers. Il subsiste néanmoins d'excellents artisans : ébénistes, ferronniers d'art, tailleurs de pierres, qui comptent parmi  les meilleurs ouvriers de France.

Mais ce sont surtout les potiers et faïenciers de Malicorne qui maintiennent une tradition remontant à l'époque gauloise. Bien sûr, au fil des années, les produits ont évolué, et les grossières poteries de jardin ont cédé la place aux faïenceries émaillées et décorées à la main qui, depuis le 18e siècle connaissent un essor extraordinaire dépassant largement nos frontières.

Parmi les anciennes activités artisanales, il convient de citer celle des cires qui contribua jadis à la réputation du Mans en approvisionnant en chandelles la Cour de Versailles. La cire, produite par les abeilles, était soigneusement blanchie à l'air, au soleil et à la rosée - Il se trouve, encore aujourd'hui, quelques artisans qui perpétuent cette activité spécifique -.

De façon tout à fait surprenante, ce pays calme et bucolique, où les prés, les champs et les bois occupent la quasi totalité du sol, est devenu, vers la fin du 19e siècle, le berceau de deux industries alors balbutiantes autant que révolutionnaires : l'automobile et l'aviation. Le développement industriel et mécanique de la Sarthe commence le 28 Mai 1854, lorsque le premier train, tiré par une locomotive haletante et fumante, entre en gare du Mans. Ainsi commença, pour la Sarthe, une longue période de son histoire, écrite avec du charbon, et du pétrole, des rails et des pneus, des pistons et des hélices, le génie de quelques uns et le travail de plusieurs générations.

La tribu des BOLLEE, à l'origine fondeurs de cloches, se mit à fabriquer des "locomotives routières" - La première voiture à vapeur destinée au transport des voyageurs : l'OBEISSANTE", effectua, en 1875, le trajet le Mans-Paris à la vitesse moyenne de 15 KM/H sous les acclamations d'une population à la fois ébahie et apeurée -. Sa soeur, la "MANCELLE", figura à l'exposition universelle de 1878 ; mais il fallut attendre 1896 pour voir les premières voitures à pétrole sortir des ateliers d'Amédée Bollée Fils...

C'est également ce fanatique du sport qui invita WILBUR WRIGHT, un constructeur américain incompris de ses concitoyens, à venir faire, au Mans, ses expériences d'aéroplane. Le biplan des frères Wright effectua son premier vol le 8 Août 1908 sur le champ de courses des Hunaudières et remporta le 31 Décembre de la même année, la première coupe Michelin après avoir effectué un vol de 2 h et 20 Minutes !

Ainsi, la vocation mécanique du Mans se précisait et, dès 1906, eut lieu la première course automobile, sur le premier circuit de la Sarthe. Mais la véritable épreuve internationale des 24 H  ne devait naître que 17 ans plus tard, en 1923. C'est, aujourd'hui, comme vous le savez, la plus grande course d'endurance du monde, monstrueuse organisation qui met en présence d'immenses intérêts commerciaux dont l'enjeu final est un règne commercial au niveau mondial.

D'autres grands noms ont jalonné l'essor industriel du département.

- C'est ainsi que Claude CHAPPE, l'inventeur du télégraphe optique, est né à Brûlon en 1763.

- Armand CHAPPEE, propriétaire d'importantes fonderies qui existent encore, produisant des appareils et articles de chauffage et d'où sont également sorties la plupart des plaques d'égout de Paris sur lesquelles on peut toujours lire : "Chappée-Le Mans".

- Pressentant les avantages stratégiques et économiques de la décentralisation vers l'Ouest, Louis RENAULT se porte acquéreur, dès 1918, de 237 hectares de terrains au Sud du Mans. L'usine, qui ne démarra vraiment qu'en 1939, employa jusqu'à 10 000 salariés.

Moins connu, et pourtant très méritant, est Henri VALLEE, né à Fillé en 1865, qui, à 22 ans, inventa la première machine à écrire - Venue trop tôt, elle suscita critiques et remarques dans son entourage -.N'était-ce pas là rompre avec le bon usage qui exigeait, sinon la plume d'oie, du moins la plume métallique et l'encre. Devant ce refus, il n'insista pas, mais son esprit inventif s'orienta vers d'autres domaines.

C'est ainsi, qu'à 27 ans, il déposa un brevet sur l'invention du pneu démontable ; mais, en raison de la lenteur administrative française, il fut devancé par l'Irlandais Dunlop, à moins que ce soit par l'Auvergnat Michelin ! Devenu constructeur d'automobiles, il lance, en 1899, la "Pantoufle", voiture originale à plus d'un titre, équipée, notamment, d'un moteur à 4 temps à allumage électrique !

Plus près de nous, et pour ne pas quitter le domaine de l'automobile, mentionnons Raymond RAVENEL , natif de Noyen sur Sarthe, qui fut P.D.G. de Citroën jusqu'à sa fusion avec Peugeot et qui est, aujourd'hui, Président de l'Association Internationale des Constructeurs d'Automobiles.

Le Secteur tertiaire ne fut pas en reste avec :

- Jean Marie LE LIEVRE, né à Mamers, qui fonda, en 1883, "la Mutuelle Générale Française accidents" laquelle devait donner naissance aux "Mutuelles du Mans".

- Léopold GOULOUMES, fondateur en 1929, des Comptoirs Modernes, qui comptent aujourd'hui 1 200 magasins à l'enseigne "Comod", bien connue des ménagères.

- Léonce BESNARDEAU, né en 1829, libraire à Sillé le Guillaume, qui inventa... la carte postale illustrée.

- En trichant légèrement, puis-je me permettre de citer également Aristide BOUCICAUT (1810-1877), né à Bellême, donc dans l'Orne (mais si près de la Sarthe!) fondateur du "Bon Marché" et de l'hôpital qui porte son nom ?

La Sarthe a également vu naître ou passer de nombreux personnages historiques, poètes écrivains, architectes, peintres, sculpteurs et hommes de guerre. Parmi les plus anciens, on peut citer, dans le désordre :

- Henri II de PlantagÊnêt, roi d'Angleterre, duc de Normandie et d'Anjou, né au Mans en 1133, mort à Chinon en 1189.

- Jean le Bon, Roi de France également né au Mans en 1319, mort à Londres en 1361.

- La reine BÉrengÈre, épouse de Richard Coeur de Lion, originaire de Navarre, inhumée à l'abbaye de l'Epau, dont elle fut la fondatrice.

- Pierre de RONSARD, qui fut un temps chanoine du Mans.

- René DESCARTES, qui fréquenta le Collège des Jésuites de la Flêche, devenu depuis le Prytanée et qu'il se plaisait à décrire comme "l'une des plus célèbres écoles d'Europe".

- Le sculpteur Germain PILON, né à Loué en 1515.

- Le poète RACAN, né à Aubigné, aujourd'hui Aubigné-Racan.

- SCARRON, qui séjourna au château de Vernie.

- Madame de SÉVIGNÉ, qui fit de nombreux séjours au château de Malicorne, lequel accueillit aussi, en 1614, le jeune LOUIS XIII, accompagné de la Régente, Marie de MÉDICIS.

- Anne-Thoinette CHAMPION, épouse de Denis DIDEROT, native de la Ferté-Bernard en 1710.

Plus près de nous, citons encore :

- Alfred de Musset qui fut, à plusieurs reprises, l'hôte de divers châteaux sarthois et séjourna à la Préfecture (ancien monastère bénédictin de la Couture) où il composa les 590 vers de "Mardochée".

- Léo Delibes, né à St Germain du Val en 1836, auteur de célèbres ballets comme Coppélia, Sylvia et d'opéras-comiques comme Lakmé.

- Charles Garnier (1825-1898), Prix de Rome, architecte de l'Opéra de Paris, dont le père était forgeron à St Calais.

- Marcel Pagnol, de l'Académie Française, qui résida longtemps au Moulin d'Ignères entre Malicorne et Parcé, et y tourna plusieurs films.

- Le peintre Roger de la Fresnaye, (1885-1925), né au Mans.

- Le peintre Rouault, qui séjourna à Beaumont s/Sarthe.

- L'organiste Pierre COCHEREAU qui dirigea le Conservatoire du Mans et tint les grandes orgues de la cathédrale avant sa consécration à Notre Dame de Paris.

- Le poète Pierre Reverdy (1889-1960) qui termina ses jours à l'abbaye de Solesmes.

- Jean Bruce, né à Beauvoir en 1921, auteur de romans d'espionnage (0SS.17).

- Guy des Cars.

- Le Duc de la Force, membre de l'Institut.

- Catherine Paysan, romancière, née à Mamers.

- Antoine de St-Exupéry qui fut élevé au collège Ste Croix du Mans de 1909 à 1914.

- Le Cardinal Dubois, né à St Calais en 1856, Archevêque de Paris de 1920 à 1929.

- Le Cardinal GRENTE (1872-1959), membre de l'Académie Française, évêque du Mans, éminent spécialiste de la question d'Orient, qui joua un grand rôle dans le règlement (???) de cet épineux problème au lendemain de la première guerre mondiale.

- Eugènie IONESCO, de l'Académie Française, qui appréciait beaucoup la Sarthe et y fonda l'Académie du Maine.

- enfin, à titre anecdotique, citons encore Arsène le Feuvre, né à Sillé le Guillaume, en 1863, maire du Mans, de 1925 à 1931, mais aussi artiste décorateur et créateur du célèbre "Bébé Cadum".

La Sarthe a également fourni son contingent d'hommes politiques plus ou moins célèbres. C'est ainsi que :

- L'abbé GRÉGOIRE, conventionnel, défenseur des juifs, des protestants et des noirs, fondateur du Conservatoire National des Arts et Métiers a été élu évêque du Mans le 15 Février 1791.

- SIEYES et CONDORCET furent élus députés de la Sarthe à la Convention en 1792.

- En 1818, ce sont Benjamin Constant et La Fayette et, en 1841, Ledru-Rollin, que les sarthois envoient siéger à l'Assemblée Nationale.

Citons également :

- Paul d'Estournelle de Constant, né en 1852, à la Flèche, diplomate, apôtre de l'Union Européenne (déjà !) et de l'arbitrage international, Prix Nobel de la Paix en 1909.

- Aristide Trouvé-Chauvel (1805-1883), industriel, banquier, ministre des finances sous la 2e République, instigateur de l'insurrection de la Suze contre le coup d'état du 2 décembre 1851.

- Jean Letourneau (1907-1986) chef de file du courant démocrate - chrétien dans la Sarthe, député et plusieurs fois ministre sous la 4e République.

- Christian Pineau, ministre socialiste des Affaires étrangères en 1956.

- Joël LE THEULE (1930-1980), gaulliste, député-maire de Sablé, ministre de l'équipement, puis des transports et enfin de la Défense en 1980.

- François FILLON, né au Mans, notre actuel ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.

- Enfin, Joseph CAILLAUX (1863-1944), ancien Président du Conseil et ministre des Finances sous la 3e République. Un homme dont les sarthois ne sont pas particulièrement fiers, car il fut l'inventeur en 1914, de .... savez-vous quoi ? de l'impôt sur le revenu ! Il est vrai que cet impôt, destiné à subvenir aux besoins de la Défense Nationale, avait un caractère tout à fait provisoire et que son taux s'élevait modestement à 0,25 %... Voilà au moins une institution qui, depuis lors, a bien prospéré...

Au plan militaire, citons, par ordre chronologique :

- Bertrand du GUESCLIN, qui combattit vigoureusement les anglais et remporta plusieurs victoires célèbres dans la région, celles de Pontvallain et de Vaas par exemple. Nous reparlerons de lui plus longuement, au Château de La Balluère où il établit sa garnison à plusieurs reprises vers 1360.

- Jean Cottereau, dit Jean CHOUAN, natif de la Sarthe qui prit la tête des insurgés royalistes pendant la Révolution.

- Le général Alfred CHANZY commandant la 2e armée de la Loire qui avec 90 000 hommes livra la bataille du Mans contre 180 000 prussiens en Janvier 1871.

- Le commandant DRONNE né à Mayet en 1908 qui fut le 1er officier français à pénétrer dans Paris le 24 Août 1944 à la tête de la division Leclerc avant de devenir député-maire d'Ecommoy.

En ce qui concerne les sites et monuments remarquables, la Sarthe en est si riche qu'il ne m'est pas possible de les citer tous. Je me bornerai donc à n'en mentionner quelques uns à savoir :

- Le château de MONTMIRAIL, où fut signé en 1169 le traité entre Louis VII et Henri II de Plantagenêt.

- Le village d'Asnières sur Vègre, un des plus anciens et des plus pittoresques du département avec son vieux pont en dos d'âne datant du XIIe siècle et son église du XIe aux fresques murales remarquables.

- L'abbaye bénédictine de Solesmes qui perpétue le chant grégorien.

- Le château du Lude aux confins du Maine et de l'Anjou qui offre un exemplaire rare de la qualité architecturale et culturelle française. Quatre siècles d'histoire de notre patrimoine revivent ici dans un même monument :

- la forteresse, la renaissance italienne, puis française et, enfin le 18e siècle.

Depuis une bonne trentaine d'années,  le Lude a attiré plus de 3 millions de visiteurs enthousiasmés par son spectacle "Son et Lumière" tout à fait remarquable qui fait revivre cinq siècles d'histoire, depuis la guerre de cent ans jusqu'à la fin du 19e siècle.

Ce fut le 1er spectacle animé par des personnages vivants et qui a fait école dans ce domaine.

Il est maintenant grand temps, me semble-t-il, de parler de la ville du Mans, dont la population a plus que doublé depuis 1946 pour atteindre aujourd'hui 200 000 habitants, regroupant ainsi 40 % de la population du département, alors que la région parisienne ne rassemble que 20 % de la population nationale.

Si l'on remonte 4 OOO ans avant notre ère, on trouve, sur une colline dominant la rivière de Sarthe, une peuplade préhistorique dont subsiste encore comme témoin un menhir dressé contre l'un des murs de la cathédrale.

Lorsqu'en 57 avant Jésus-Christ les légions romaines envahirent la région, la cité, occupée par des celtes de la tribu des cénomans s'appelait Vindunum - Théâtre, thermes et forum étaient disséminés, lors des premiers siècles, aux abords de la colline originaire.

Vers l'an 270, des invasions germaniques provoquèrent l'édification de l'enceinte gallo-romaine, sans doute l'une des mieux conservée de France. A l'intérieur de celle-ci, les habitants de Vindunum purent à la fois se réfugier et se protéger contre les envahisseurs. Il s'y installa par la suite une cité médiévale qui devint vite un centre économique prospère ainsi qu'un centre religieux de pèlerinage autour de la première cathédrale construite au VIe siècle par l'évêque St Principe.

La muraille qui entourait la ville n'empêcha pas en 1068, Guillaume, Duc de Normandie d'assiéger et d'investir Le Mans. Cette occupation par les troupes de celui qui fut surnommé Guillaume le Conquérant, fut relativement éphémère puisque, vers 1070, les manceaux fomentèrent une conspiration appelée "Commune".

En 1129, Geoffroy, fils de Foulque V d'Anjou et d'Erembourge, héritière du comté du Maine, instaura la dynastie des Plantagenêt en épousant au Mans Mathilde,  fille du roi d'Angleterre Henri Ier. De cette union naquit au Mans, en 1138, Henri II qui, lui même, épousa Aliénor d'Aquitaine avant de devenir roi d'une Angleterre dont le domaine s'étendait de l'Ecosse aux Pyrénées !

Le fils d'Henri II, Richard Coeur de Lion, se maria dans l'île de Chypre à Bérengère, princesse de Navarre. En 1204, Bérengère, devenue veuve, se retira au Mans et y fonda l'abbaye de l'Epau.

Entre temps, en 1189, Philippe Auguste s'empara du Mans. Dès lors, la ville vit son évolution liée à la couronne de France.

De 1346 à 1456 la cité mancelle fut particulièrement éprouvée durant la guerre de Cent Ans, qui détruisit un grand nombre de constructions légères, ayant été prise et reprise par les anglais, lesquels utilisèrent pour la première fois l'artillerie contre ses murailles.

Aux 17e et 18e siècles, Le Mans devint un centre manufacturier et commercial dont les étamines, cires et cuirs se vendaient en Italie, en Espagne, aux Antilles, et même au Brésil, faisant la fortune des négociants.

En décembre 1793, lors de la guerre de Vendée, Le Mans fut le théâtre d'une terrible bataille entre les troupes républicaines et royalistes.

En janvier 1871, après des combats sanglants près de la ville, et la défaite de l'armée de la Loire, commandée, comme nous l'avons déjà dit, par le général CHANZY, Le Mans subit l'occupation prussienne quelques mois durant.

De 1873 à 1914, la ville connaît un important développement économique en devenant, notamment, le berceau de l'industrie automobile naissante.

Les conflits mondiaux de 1914 et 1939 épargnèrent la cité qui ne subit que peu de destructions. Libérée le 8 Août 1944, l'agglomération mancelle dépassait déjà 100 000 habitants, et prenait place parmi les grandes villes de France.

Le Mans s'enorgueillit de nombreux bâtiments anciens et fort beaux que nous ne pourrons malheureusement pas voir dans le détail. Mais la visite du Vieux Mans à elle seule vaut le voyage.

Permettez-moi de dire maintenant quelques mots de la cathédrale St JULIEN. C'est au VIe siècle, nous l'avons dit, que l'évêque St Principe implanta son église à côté du menhir.

Agrandie successivement au cours des siècles suivants, la cathédrale porte les traces des différentes étapes de sa construction, du 11e au 15e siècle.

Elle constitue un magnifique témoin de l'évolution architecturale en France.

La partie la plus ancienne, de style roman possède l'un des plus anciens vitraux de France daté de 1120. les autres, tant romans que gothiques, sont tous d'une qualité exceptionnelle.

Le chevet, de style gothique, est l'un des plus grand du monde et assurément le plus beau, vu de l'extérieur, avec ses arc-boutants jumelés en V.

Pour la petite histoire, et pour terminer, laissez-moi encore vous compter une anecdote relatée par ce grand mécréant que fut Georges de la Fouchardière. Il prétend dans un de ses ouvrages, que, lors de sa prise de fonction, en qualité d'évêque du Mans, le Cardinal GRENTE fut choqué par le commerce qui prospérait dans les vieilles rues jouxtant la cathédrale, avec sa multitude de femmes de petite vertu racolant les fidèles qui se rendaient aux offices. Il prit alors la décision de racheter tous ces immeubles, avec la ferme intention de les faire abattre. Mais les services d'architecture s'opposèrent à leur destruction et classèrent tout le quartier.

Ainsi le Cardinal devenu propriétaire de toutes ces "maisons closes" n'eut alors plus d'autre solution que de percevoir les loyers de ces dames devenant ainsi, bien malgré lui, l'un des plus grands proxénètes de France !...

 Roger MARTIN, février 1996